Il "theatro" dell' informale
L'idée d'une célébration, somptueuse et dramatique, du grand théâtre de l'informel guide lamise en scène de cette oeuvre picturale de Yiannis Fokas.
Une telle référence ne doit pas présenter d'équivoque : l'oeuvre de Fokas est intense et vive; théâtralité ou comédie théâtrale n'existent pas chez lui mais on y trouve plutôt la conscience qu'un texte classique de la modernité, tel que se présente l'informel, puisse encore être proposé à l'actualité à condition de prendre unecertaine distance, inévitable, par rapport à son histoire (dans le cas denon-appartenance directe à cette dernière). Ainsi on l'interprète plus en tant que metteur en scène qu'en tant qu'acteur, selon le choix de Fokas, afin d'enoffrir une version renouvelée plutôt qu'une réplique à la veine tarie. Exactement selon les règles du meilleur des théâtres. Il est en effet significatif que l'artiste, une fois peintre, ait acquis une formation de décorateur de théâtre.
Dans la dimension vraiment colossale des tableaux de Fokas, assez fréquemment enrichis d'éléments extra-picturaux, souvent augmentés de polyptyques, parfois même composés degrands compartiments modelés ou extra-picturaux, faisant presque allusion à une structure scénico-architecturale de la peinture, s'accomplit la célébration.
Cependant la rhétorique du drame, le modèle de la tragédie caractéristique de la culture grecque et inné chez Fokas, trouve de nouveaux accents et un style personnel dans la représentation d'un texte, redécouvert ailleurs, au cours des années deformation parisienne, dans ce fantasme de l'informel dont l'aura a touché des générations d'artistes européens et d'ailleurs, générations précédentes à la sienne.
C'est alors qu'apparaît une contamination déconcertante et à la fois séduisante, du reste sur le même plan que les reprises néo-informelles propres aux années 80. Reprises possibles, plus que dans d'autres cas, grâce à la faculté del'informel de savoir se reproposer en sa qualité existentielle en tant qu'aura artistique récurrente et sans limites plutôt que comme courant daté.
Le texte del'informel, qui pour Fokas est un patrimoine culturel acquis, est avivé jusqu'aux dernières limites de ses contenus, dans la reprise intellectuelle et évocatrice qu'y accomplit l'artiste. Ce texte se charge aussi d'une intense et active passion expressive à laquelle l'âme grecque et méridienne du peintre ne peut renoncer.
Cet acte prométhéen se dispute entre savoir et sentiment afin de célébrer la nième catharsis d'un art fortement existentiel. Cet art se libère encore une fois dans le cri du geste - matière - couleur, d'une part renouvelé en sa propre désagrégation dramatique, d'autre part contemplé dans la métamorphose du propre déchirement organico-matériel.
Même dans un tel conflit persiste la contamination entre histoire et actualité de l'informel que Fokas poursuit: d'une manière analogue, on constate son dédoublement en tant qu'auteur, lorsqu'il apparaît manifestement metteur en scène et nullement acteur d'une pièce picturale mise en scène avec talent et célébrée en évocation à sonthéâtre. Il pourrait se résumer en trois actes interpénétrants : la dernière re-présentation de la peinture, la "figurabilité" émergée, métamorphose du tableau.
Le gestuel infatigable et excessif tend d'abord à faire échapper par force centrifuge lapeinture des limites du cadre-scène, en créant des turbulences et des tourbillons de couleur; et, en même temps, dans ce coeur abyssal, tel un cratère de magma instable, une force gestuelle centripête, opposée et complé-men-taire à la précédente, épaissit et "indéfinit" la matièreen mystérieuses formes virtuelles, en figures potentielles il s'agit bien là, non pas de "figuration", mais de "figurabilité", ainsi quele soutenait Maurizio Calvesi à propos de certains résultats de l'informel historique, au début des années 60. Cette même figurabilité aboutit autrement, selon les analogies et les différences, dans le nouveau dada, dans la pop, dansle nouveau réalisme.
Cependant, tel n'est point le dessein de Fokas; au contraire, l'artiste, dans l'évocation dramatique d'une histoire demeurée en quelque sorte en suspens, atteint à nouveau - par cette figurabilité" - la trame d'une possible évolution quin'a pas eu lieu, d'un ultime acte demeuré inachevé.
La métamorphose du tableau s'achève par l'allusion à une épique genèse fatiguée d'un"autre" primitif de la matière, aux qualités diverses bienqu'engendré de la matière organique picturale même, dissoute.
En définitive, Fokas porte sa recherche plus loin ; c'est alors que l'oeuvre découvre d'autres matières premières et qu'elle les rapproche de la matière première épuisée dela peinture; toiles, papiers et métaux (épaves et déchets industriels) introduisent ainsi un élément hétérogène dans le tableau, dur et incompatible. En conséquence, le tableau revendique de nouveaux espaces et donc de nouveaux formats, différents du cadre traditionnel et pourtant disposés de telle sorte à représenter une "scène" en tant que structures modelées, architecturales ou d'objets, qui finissent par devenir des éléments résistants et déconcertants au même titre que les éléments picturaux - au sein de la séquence théâtrale des polyptyques.
Et ainsi, Fokas, délibérément déroutant, laisse son oeuvre : le rideau ne se baisse pas silencieusement sur une catharsis achevée, mais il s'abat tel un couperet surun drame non dévoilé. Enfin, dans cette métaphore de l'existant qu'est l'art informel ou néo-informel, il affiche les contradictions et les malaises quisont les siens ainsi que ceux d'une génération entière: trop éveillée pour pouvoir être encore et seulement informelle; et encore trop émotive pour pouvoirne plus l'être.
Une telle référence ne doit pas présenter d'équivoque : l'oeuvre de Fokas est intense et vive; théâtralité ou comédie théâtrale n'existent pas chez lui mais on y trouve plutôt la conscience qu'un texte classique de la modernité, tel que se présente l'informel, puisse encore être proposé à l'actualité à condition de prendre unecertaine distance, inévitable, par rapport à son histoire (dans le cas denon-appartenance directe à cette dernière). Ainsi on l'interprète plus en tant que metteur en scène qu'en tant qu'acteur, selon le choix de Fokas, afin d'enoffrir une version renouvelée plutôt qu'une réplique à la veine tarie. Exactement selon les règles du meilleur des théâtres. Il est en effet significatif que l'artiste, une fois peintre, ait acquis une formation de décorateur de théâtre.
Dans la dimension vraiment colossale des tableaux de Fokas, assez fréquemment enrichis d'éléments extra-picturaux, souvent augmentés de polyptyques, parfois même composés degrands compartiments modelés ou extra-picturaux, faisant presque allusion à une structure scénico-architecturale de la peinture, s'accomplit la célébration.
Cependant la rhétorique du drame, le modèle de la tragédie caractéristique de la culture grecque et inné chez Fokas, trouve de nouveaux accents et un style personnel dans la représentation d'un texte, redécouvert ailleurs, au cours des années deformation parisienne, dans ce fantasme de l'informel dont l'aura a touché des générations d'artistes européens et d'ailleurs, générations précédentes à la sienne.
C'est alors qu'apparaît une contamination déconcertante et à la fois séduisante, du reste sur le même plan que les reprises néo-informelles propres aux années 80. Reprises possibles, plus que dans d'autres cas, grâce à la faculté del'informel de savoir se reproposer en sa qualité existentielle en tant qu'aura artistique récurrente et sans limites plutôt que comme courant daté.
Le texte del'informel, qui pour Fokas est un patrimoine culturel acquis, est avivé jusqu'aux dernières limites de ses contenus, dans la reprise intellectuelle et évocatrice qu'y accomplit l'artiste. Ce texte se charge aussi d'une intense et active passion expressive à laquelle l'âme grecque et méridienne du peintre ne peut renoncer.
Cet acte prométhéen se dispute entre savoir et sentiment afin de célébrer la nième catharsis d'un art fortement existentiel. Cet art se libère encore une fois dans le cri du geste - matière - couleur, d'une part renouvelé en sa propre désagrégation dramatique, d'autre part contemplé dans la métamorphose du propre déchirement organico-matériel.
Même dans un tel conflit persiste la contamination entre histoire et actualité de l'informel que Fokas poursuit: d'une manière analogue, on constate son dédoublement en tant qu'auteur, lorsqu'il apparaît manifestement metteur en scène et nullement acteur d'une pièce picturale mise en scène avec talent et célébrée en évocation à sonthéâtre. Il pourrait se résumer en trois actes interpénétrants : la dernière re-présentation de la peinture, la "figurabilité" émergée, métamorphose du tableau.
Le gestuel infatigable et excessif tend d'abord à faire échapper par force centrifuge lapeinture des limites du cadre-scène, en créant des turbulences et des tourbillons de couleur; et, en même temps, dans ce coeur abyssal, tel un cratère de magma instable, une force gestuelle centripête, opposée et complé-men-taire à la précédente, épaissit et "indéfinit" la matièreen mystérieuses formes virtuelles, en figures potentielles il s'agit bien là, non pas de "figuration", mais de "figurabilité", ainsi quele soutenait Maurizio Calvesi à propos de certains résultats de l'informel historique, au début des années 60. Cette même figurabilité aboutit autrement, selon les analogies et les différences, dans le nouveau dada, dans la pop, dansle nouveau réalisme.
Cependant, tel n'est point le dessein de Fokas; au contraire, l'artiste, dans l'évocation dramatique d'une histoire demeurée en quelque sorte en suspens, atteint à nouveau - par cette figurabilité" - la trame d'une possible évolution quin'a pas eu lieu, d'un ultime acte demeuré inachevé.
La métamorphose du tableau s'achève par l'allusion à une épique genèse fatiguée d'un"autre" primitif de la matière, aux qualités diverses bienqu'engendré de la matière organique picturale même, dissoute.
En définitive, Fokas porte sa recherche plus loin ; c'est alors que l'oeuvre découvre d'autres matières premières et qu'elle les rapproche de la matière première épuisée dela peinture; toiles, papiers et métaux (épaves et déchets industriels) introduisent ainsi un élément hétérogène dans le tableau, dur et incompatible. En conséquence, le tableau revendique de nouveaux espaces et donc de nouveaux formats, différents du cadre traditionnel et pourtant disposés de telle sorte à représenter une "scène" en tant que structures modelées, architecturales ou d'objets, qui finissent par devenir des éléments résistants et déconcertants au même titre que les éléments picturaux - au sein de la séquence théâtrale des polyptyques.
Et ainsi, Fokas, délibérément déroutant, laisse son oeuvre : le rideau ne se baisse pas silencieusement sur une catharsis achevée, mais il s'abat tel un couperet surun drame non dévoilé. Enfin, dans cette métaphore de l'existant qu'est l'art informel ou néo-informel, il affiche les contradictions et les malaises quisont les siens ainsi que ceux d'une génération entière: trop éveillée pour pouvoir être encore et seulement informelle; et encore trop émotive pour pouvoirne plus l'être.
Adriano Baccilieri,
Art critic, Curator,
Professor of Philosophy and History of Art,
Director of the Academy of Fine Arts in Bologna,
1992
Art critic, Curator,
Professor of Philosophy and History of Art,
Director of the Academy of Fine Arts in Bologna,
1992